La gestion des conflits dans la fratrie

Mon défi : semaine 19 sur 21

La gestion des conflits dans la fratrie est, je crois, l’un des sujets les plus délicats à traiter lorsque l’on veut être un parent bienveillant. Car, on a beau avancer sur le chemin de la parentalité positive, apprendre à mieux se connaitre, mieux contrôler nos réactions, mieux comprendre nos enfants, on ne peut pas éviter les conflits entre eux. Ce n’est pas le but d’ailleurs. Une vie sans conflit, cela n’existe pas. Et heureusement ! Ce que nous cherchons plutôt, c’est à modifier la manière dont se règle le conflit.

Aujourd’hui, pour la première fois, j’ai décidé de confier mon blog à Coralie, maman de 4 enfants et auteure du blog Les 6 Doigts de la Main. C’est donc Coralie qui relève le défi de nous expliquer comment gérer au mieux les conflits dans la fratrie.

Les conflits dans la fratrie : les conflits ne sont pas forcément une mauvaise chose

Prenons d’abord le temps de changer notre regard sur le conflit.
Dans un monde riche de diversité, il est évident que nous n’avons pas tous les mêmes perceptions, les mêmes opinions, les mêmes envies. Il est donc normal que ces différences posent parfois problème.

Les conflits dans la fratrie peuvent aider à développer certaines compétences

A posteriori, lorsque je repense à toutes ces disputes qui m’ont opposée à mon grand frère, je me dis que cela m’a enseigné certaines compétences qui me sont encore utiles.
J’ai appris à faire face à l’adversité. A argumenter. A trouver ma place. J’ai appris à négocier, et à trouver des compromis, parfois (lorsqu’il ne m’imposait pas les choses par la force). J’ai appris que la dispute ne brisait pas forcément le lien.
Faber et Mazlish nous encouragent à réfléchir à tout cela, à ce que nos disputes d’enfance nous ont enseigné. Alors, comme j’aime voir le verre à moitié plein, je vois tout cela.

Avec le recul, je ne suis pas sûre que notre manière de faire face au conflit m’ait vraiment apporté plus de bien que de mal. Ma frustration de petite sœur, mon sentiment d’infériorité ne m’ont certes pas aidée à développer ma confiance en moi…
Cependant, je reconnais que ce n’est pas que noir.
Et il est intéressant de remarquer que mon frère et moi sommes aujourd’hui très proches !

Lorsque l’on craint le conflit

J’imagine que, comme moi, vous avez déjà fréquenté des personnes qui cherchaient à éviter le conflit. Avant que je développe de nouvelles qualités de non-jugement (c’est fou ce que la parentalité positive aide dans la vie !), cela avait tendance à m’agacer.
Car, pour éviter le conflit, ces personnes se retenaient également de donner leur opinion. Et j’avais l’impression alors que le lien était factice, car il était impossible de savoir ce qu’elles pensaient réellement. Je cherchais plus d’authenticité.
C’est drôle, ça me fait penser au titre du livre de Thomas d’Asembourg (spécialiste francais de la Communication Non Violente) : “Cessez d’être gentil, soyez vrai”.

Aujourd’hui, je comprends mieux que les personnes qui choisissent d’éviter le conflit attachent simplement plus d’importance à la sérénité ambiante qu’à l’authenticité. Nous avons tous des valeurs différentes.
Et s’il était possible d’avoir les deux ? Etre authentique tout en étant serein ? Que le conflit ne soit pas forcément conflictuel ? Vous me suivez ?
C’est bien ça que nous voudrions enseigner à nos enfants : une autre manière de résoudre les conflits.

Il existe trois manières de résoudre les conflits

En fait, tout est là : il n’y a pas qu’une manière de s’attaquer au problème.
Lorsque l’on parle de conflit, on pense souvent à de vraies disputes, on imagine en fait le format si classique du conflit : celui où chacun essaye de le résoudre par la force.
Mais la force n’est pas l’unique manière de résoudre le conflit.
Il y en a deux autres : le compromis, et le consensus.
Et ce sont ces méthodes que, en parentalité positive, nous allons essayer d’adopter d’une part, et d’enseigner à nos enfants d’autre part.

D’où viennent les conflits dans la fratrie ?

Trop de conflits usent. Donc, même si ces conflits sont des opportunités d’apprentissage de nouvelles méthodes, nous commencerons par essayer d’en baisser la fréquence ! Parce qu’on peut dire ce qu’on veut, le lien se crée mieux dans l’entente que dans le conflit, quand même !

Parlons donc de ce qui amène souvent nos enfants au conflit.

La rivalité

Argh… sujet difficile, s’il en est ! La rivalité est souvent au cœur du conflit. Ou disons plutôt que c’est souvent dans la rivalité que le conflit a creusé ses racines.
Comme si c’était la partie cachée de l’iceberg.
Le conflit porte peut-être sur… disons : la chaise sur laquelle s’asseoir. Mais dans le fond, c’est le sentiment de rivalité qui a fait naître l’envie de s’asseoir sur la chaise sur laquelle était l’autre. Vous voyez ce que je veux dire ?

Heureusement, il existe des manières d’atténuer ce sentiment de rivalité. Oh, je ne vais pas vous bercer d’illusions. Il ne disparaîtra sûrement jamais complètement. Parce que c’est toujours délicat de trouver sa place dans une fratrie… mais certaines de nos attitudes peuvent réellement influer dans un sens ou dans l’autre sur ce sentiment.

Souvent, pour éviter cette rivalité, nous cherchons à être justes. A ne pas faire de différence entre nos enfants, pour qu’ils se sentent traités de la même manière et ne pas ouvrir la porte à cette compétition que personne ne gagnerait.
Et l’on se fourvoie !

S’il y a une chose à retenir sur ce thème de la rivalité, c’est que la justice ne passe pas par l’égalité.
D’une part parce que l’égalité n’a pas de sens : chacun a des besoins différents, des envies différentes, des sensibilités différentes, et être égal ne reconnaîtrait pas ces différences.
D’autre part parce que pour être sûr qu’il y ait égalité, il faut comparer. Or, c’est justement cette comparaison qui entretient la rivalité.
Pour éviter cela, il vaut donc mieux traiter chacun de manière unique, en s’éloignant au plus des comparaisons.
Si vous souhaitez creuser ce sujet, je vous invite à télécharger en accès libre mon guide « Disputes : 6 habitudes à modifier pour les limiter »

Le respect des limites

Les conflits prennent également racine dans le manque de respect des limites de chacun. On sait bien qu’en théorie “La liberté de l’un termine là où commence celle de l’autre.”. Mais il est parfois bien difficile de mettre ce principe en pratique…

Poser ses limites n’est pas simple. C’est une vraie compétence à acquérir. Pour nous, comme pour nos enfants. Plus nous en serons conscients et mieux nous pourrons les accompagner dans cette démarche.

Pour en donner l’exemple, nous pouvons commencer par respecter nous-mêmes leurs limites.
Leur demander l’autorisation avant d’utiliser leurs affaires.
Leur demander s’ils sont d’accord avant de leur faire des câlins et des bisous.
Leur demander de se décaler plutôt que de les pousser lorsqu’ils sont dans le passage.
S’arrêter lorsqu’ils disent Stop, même dans un jeu.
Ce sont autant d’attitudes au quotidien qui leur permettent de voir que l’espace de l’autre est à respecter.

Et lorsque cela ne coule pas entre eux, c’est l’occasion de renforcer les règles en ce sens. Chez nous, les enfants savent bien maintenant qu’ “un jeu, c’est quand il y a consentement mutuel.” Ainsi, si l’un demande à l’autre de s’arrêter, on n’est plus dans le jeu.

Conflits dans la fratrie : éviter d’endosser le rôle de l’arbitre

Evidemment, tout ceci met du temps à se mettre en place.
Alors, en parallèle, il faut encore savoir comment réagir lorsque le conflit dégénère et tourne en dispute. C’est ce que nous allons voir très vite.
Mais avant cela, une chose doit être claire : c’est la nécessité d’éviter de se positionner en arbitre.

Pourtant, la tentation est grande, lorsque nous voyons nos enfants s’agresser, de prendre parti. Parce que nous avons souvent une opinion sur ce qu’il s’est passé !
“Il m’a fait ça !
– oui, mais il faut dire que ça fait une demi-heure que tu le cherches !”

La situation a beau être limpide à nos yeux, la ligne de conduite à tenir est d’éviter de juger.
Oui, je sais, c’est difficile. Je lutte encore régulièrement contre cette tendance, peut-être pas naturelle, mais en tout cas automatique. Le jugement est omniprésent dans notre société, et d’un seul coup d’œil, on se fait une opinion, qui nous amène, de fait, à jouer les arbitres.

Seulement voilà : ce n’est jamais une bonne idée. Surtout dans les conflits dans la fratrie.
Et ce, pour plusieurs raisons.

conflit fratrie

Raison 1 : nous ne savons rien

Nous avons peut-être vu ce qu’il vient de se passer, mais nous ne savons rien de l’antériorité de la situation.
L’épisode auquel nous assistons nous semble peut-être clair, mais qui sait s’il n’y en a pas eu 5 auparavant auxquels nous n’avons pas assisté ?
L’enfant à qui nous “donnons tort” peut donc avoir quand même un sentiment d’injustice.
Tout comme l’enfant harcelé qui finit par réagir et se retrouve dans le bureau du proviseur… Est-ce réellement juste ?

Raison 2 : nous entretenons un référentiel extérieur

En donnant notre point de vue, nous entretenons nos enfants dans une position où ils dépendent d’un jugement extérieur.
En effet, nous ne leur demandons pas d’analyser leur comportement, mais nous leur apportons notre opinion. Nous leur demandons en fait de faire en sorte que leur comportement corresponde à nos critères, en imposant un contrôle extérieur.

Ce n’est pas l’idée de l’éducation positive, qui voudrait plutôt les encourager à l’empathie, et à poser leur propre regard sur leur comportement, afin de comprendre par eux-mêmes ce qui est éventuellement inapproprié. Si nous parvenons à atteindre cet objectif, nous aurons beaucoup plus de chances de voir leur comportement se modifier !!

Raison 3 : nous entretenons leur incapacité à résoudre le problème

Lorsque nous apportons notre “solution”, nous communiquons l’idée qu’ils ne peuvent pas résoudre leurs différends sans notre aide. Ils continueront donc à solliciter notre intervention.
L’autre jour, j’ai entendu un papa, suite à la plainte d’un de ses garçons sur son frère, lui répondre : “Je vais m’occuper de lui.”. Autrement dit : “Désintéresse-toi de la question, je gère. Or, c’est SA dispute, pas la nôtre ! Le but est donc plutôt de lui enseigner à régler le problème lui-même, non ?

Raison 4 : Ils ne nous entendront de toute façon pas !

Au départ, la raison pour laquelle nous prenons parti dans les conflits dans la fratrie, c’est que nous voudrions enseigner quelque chose à nos enfants. Par exemple à ne pas déranger l’autre.
Seulement voilà : pendant le conflit, nos enfants sont envahis par leurs émotions. A ce moment-là, ils sont incapables de nous écouter. Physiquement incapables. L’émotion court-circuite la partie du cerveau qui devrait les aider à raisonner.
Il est donc vain d’essayer de calmer les choses en justifiant, en expliquant. Il faut d’abord et avant tout calmer l’ambiance.

Conflits dans la fratrie : quel comportement adopter ?

Bien, mais alors, que faisons-nous devant nos enfants qui, devant nos yeux, risquent fort d’en venir aux poings ??

Recevoir les émotions et les sentiments

La première étape sera toujours de chercher à calmer l’ambiance.
Et pour cela, on ne parle d’abord que d’une chose : de ce qui est vivant chez chacun.

Imaginons par exemple un échange de ce type entre nos enfants :
“Tu le fais exprès pour m’embêter !
– Non c’est pas vrai, j’étais là avant !”
Intervenir en précisant que oui, l’autre était là avant, ou bien demander que l’un se pousse, expliquer qu’il ne le fait pas exprès, etc… serait donner notre opinion, notre solution, sans réellement les écouter.
Aucun doute dans ce cas que l’un des deux (au moins) se sentira lésé, et nous entretenons la rivalité.

Ecouter ce qui est vivant consisterait plutôt à dire, par exemple :
“Tu as l’impression qu’il le fait exprès ?”
ou “Tu considères que tu peux te mettre là parce que tu étais là avant ?”
Notez bien que nous ne donnons alors pas notre propre opinion sur la situation. Nous ne faisons que retranscrire ce que nous entendons de ce qu’ils disent, afin de les laisser s’exprimer. (Cela s’appelle l’écoute active).

On peut également choisir d’écouter le sentiment derrière l’expression.
Par exemple : “Ouh là, je te sens sacrement énervé !”

Dans un cas comme dans l’autre, notre enfant sent que nous l’écoutons, plutôt que de lui imposer notre point de vue.
Et se sentir écouter est le point de départ. Cela permet de créer une connexion, ce qui est fondamental pour pouvoir aller ensuite plus loin.

Si l’atmosphère est déjà trop “chaude”, une seule solution : celle du temps de pause.
“Je vois que vous avez besoin d’un temps de pause. On se sépare, et on en reparlera dans un moment.”

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’accompagnement des émotions, j’ai créé une formation en ligne simple et efficace pour mieux comprendre les émotions de nos enfants et apprendre à les accompagner.

Passer ENSUITE à la recherche de solution

C’est seulement lorsque l’atmosphère sera moins tendue que la recherche de solution pourra se faire.
Bien sûr, il faudra un temps d’apprentissage. Il ne s’agit pas de lancer nos enfants dans le grand bain, parce qu’ils auront alors du mal à apprendre à nager.

Il faudra plutôt les accompagner, étape par étape.
On les aidera à écouter le point de vue chacun (sans porter de jugement au passage), on les aidera ensuite à proposer des solutions, on les aidera à choisir la solution qui leur conviendra à tous les deux…
Jusqu’au moment où il ne nous restera plus qu’à leur passer un message de confiance : “Je suis sûr(e) que vous pouvez trouver une solution.”

Cela ne vient pas du jour au lendemain. Etre parent est un travail de longue haleine !
Mais vraiment, ça en vaut la peine…

Le modèle

Avant de conclure cet article, je tiens à rappeler une chose difficile.
Les enfants apprennent énormément du modèle qu’ils reçoivent.
Ainsi, si nous voulons qu’ils apprennent à trouver des solutions à leurs conflits de manière constructive, rien de mieux que de le faire nous-mêmes, lorsque nous sommes en conflit avec eux.
Ecouter le point de vue de l’enfant et exprimer le nôtre. Chercher une solution, et voir si elle convient aux deux, etc…
Si, au contraire, nous recourons à la solution imposée de force, alors ils chercheront à faire de même dans leurs conflits.

Je sais que cela nous arrivera quand même, parce que c’est ce que nous avons appris. Comme le dit Emma, nous sommes des parents plus qu’imparfaits !
Gardons cependant cette notion en tête…

Coralie, du blog Les 6 Doigts de la Main

Photo : Kat Jayne


Tu viens de lire l’article 19 sur 21 de mon défi. Le défi que je me suis lancé ? Tester 21 principes de la discipline et la parentalité positive en 21 semaines et partager avec toi chacune de mes expériences. > En savoir plus sur le défi.

3 commentaires

  1. Encore merci Coralie pour ton article : tu as relevé le défi haut la main ! Sur la partie où tu fais référence au modèle, j’ajouterais qu’il serait intéressant de remettre en question la façon dont nous gérons les conflits dans le couple… Pas évident mais important !

  2. Ah les disputes entre fratrie…
    Merci pour le rappel des techniques de la parentalité positive!
    Par contre, je trouve cela difficile avec les petits… Je suis maman de deux enfants de 2 et 4 ans, et ils viennent au mains pratiquement systématiquement… Du coup il faut que j’en vienne à les séparer très souvent…
    Mais bon, je suppose que cela viendra avec le temps…
    Enfin, j’espère…
    Désespéramment… xD
    Je vais regarder d’ailleurs si vous n’avez pas fait un article la dessus…
    Et je confirme que les enfants sont vraiment notre miroir! Je ne suis pas en train de dire par là qu’on se tape à la maison (on ne le fait pas, je vous rassure ;)), mais que quand il y a conflit chez eux, souvent c’est parce qu’il y a conflit à l’intérieur de nous… Ils ne savent juste pas ne pas réagir plutôt que trouver d’autres solutions…
    Merci encore, cela fait du bien de vous lire!

    • Pas facile quand ils sont touts petits en effet. Car les petits utilisent principalement leur cerveau reptilien. Cela veut dire que lorsqu’ils se sentent en danger, ils vont instinctivement fuir, attaquer ou se figer. Il faut donc répéter et encore répéter qu’à la maison, on se respecte et on respecte les autres. Courage !

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